La jaquette et moi

jaquette1

nom féminin : Vêtement masculin de cérémonie à pans ouverts descendant jusqu’aux genoux[1]

De nos jours, les séjours à l’hôpital sont caractérisés par le port de la fameuse chemise d’hôpital ample afin de favoriser les soins par l’équipe soignante. Lors de la naissance, le personnel médical encourage les femmes à porter la jaquette. Il en est tout autrement en maison de naissance ou à domicile, où la femme porte les vêtements qui lui convient.

Merci à Valérie, Stéphanie, Stéphanie et Catherine

Pour la naissance de mon garçon, il était question d’une induction. Jeudi matin : rendez-vous pour déclencher la naissance dans le but de préserver la santé du bébé.

Valise en main, je me rends à l’hôpital. À mon arrivée, on me demande de me déshabiller et d’enfiler une jaquette d’hôpital. Tout de suite, je réponds que je ne ressens pas le besoin de mettre la jaquette et que je l’enfilerai plus tard. On me répond que c’est important de la mettre tout de suite, que cela facilitera les interventions.

Est-ce que j’ai pris le temps de vous dire que je souhaitais vivre une naissance sans intervention? Toute naturelle. J’avais suivi le cours prénatal avec les outils de la méthode Bonapace avec mon partenaire. Je comptais bien donner naissance sans l’aide de quoi que ce soit d’autre que moi-même. L’idée de provoquer la naissance de mon bébé était déjà très difficile à avaler.

Mon premier réflexe, c’est de faire à ma tête et de garder ma petite culotte et mon soutien-gorge. Ensuite, on m’examine et on me recommande d’enlever ma petite culotte et mon soutien-gorge… (Soupir.)

C’était la vision que j’avais. Je m’étais préparer pour vivre mes contractions avec ma petite culotte noire en dentelle avec des fleurs roses et avec mon soutien-gorge noir. La jaquette ne faisait pas partie de mes visualisations. La chemise ne faisait pas partie de cet événement si précieux que représente la naissance de mon premier bébé. Pour moi, la jaquette représente l’hospitalisation, un état de maladie ou de lésion qui nécessite une intervention.

Une fois qu’on m’a installée la voie veineuse et l’ocytocine synthétique, on m’a recommandé de marcher pour favoriser le début des contractions.

Me retrouvant dans le corridor, la fameuse jaquette était donc de mise. J’ai donc enfilé ladite jaquette en prenant soin de préalablement retirer mes sous-vêtements et je me suis promenée à l’extérieur de la chambre durant quelques heures afin de déclencher les contractions.

Plusieurs heures plus tard, alors que j’étais en période de transition, bébé était bien engagé dans mon bassin.

La période de transition est caractérisée par l’espace-temps, très variable, où la femme qui enfante vit une fragmentation. Le col de l’utérus frôle la dilation complète. Il n’est pas rare que la femme déclare vouloir retourner en arrière, vouloir mourir, être désespérée. De plus, elle expérimente souvent des sueurs, des nausées, des vomissements, des tremblements, des frissons.

J’avais des tremblements, j’avais chaud, j’avais mal au cœur. « Je sens que ça pousse. » C’est là que je demande à mon conjoint de retirer la glorieuse jaquette… Mon conjoint essaie par tous les moyens de retirer la jaquette, mais une tonne de branchements lui complique un peu la tâche. Je réitère : « Enlève la jaquette. » Finalement, il la déchire, parce que j’avais si chaud et que je m’impatientais. « J’ai chaud! Mon bébé s’en vient. »


Loin de moi l’idée de vous convaincre de dépenser de l’argent afin de trouver une élégante robe en prévision de la naissance de votre enfant.

Pourquoi ne pas réfléchir en amont sur les éléments qui favoriseront votre confort lors de la mise au monde?

Est-ce que le port de la jaquette va de soi? Êtes-vous indifférente à l’idée de la porter?

Pourquoi ne pas réfléchir sur la notion de nudité?

Êtes-vous à l’aise d’être nue dans votre lieu de naissance?

Est-ce que la nudité risque d’être un obstacle au lâcher-prise?

Quelle est votre relation avec ladite jaquette?

Comment prévoyez-vous vivre avec celle-ci?


[1] Définition tirée du dictionnaire Le Petit Robert


Au revoir 2022

Je vois passer toutes sortes de rétrospectives sur les réseaux sociaux et je me dis qu’il faudrait également que je m’y mette.

J’y suis allée de cette publication bilan la semaine dernière, mais je sens que je dois aller au fond des choses. Je cherche des images percutantes, des anecdotes, des mots-phares, des citations… mais rien de bref et concis ne vient.


L’année 2022 a commencé brusquement avec le virus de la COVID dans notre maison. Ce qui a fait le plus mal, c’est l’isolement de toute la famille. De plus, les températures glaciales nous empêchaient d’aller nous amuser à l’extérieur. Nous avons vécu l’école à la maison avec l’aîné, tout ça entrecoupé de séances de télétravail ici et là.

Toutes les restrictions sanitaires ont contribué à me choisir une tâche à l’école primaire. Ainsi, pour tous les mercredis, j’étais une enseignante dans une classe multiniveaux de 5-6e année et ma tâche était l’enseignement des sciences et d’ECR (éthique et culture religieuse).

En février, j’ai eu le privilège d’accompagner la naissance de ma filleule. Une douce incursion au milieu de la nuit dans la pénombre, une naissance incroyablement rapide qui m’a fait vivre beaucoup d’émotions. Un début très exigeant avec l’allaitement m’a rappelé combien le soutien est précieux pour les nouveaux parents.

Au début du printemps, j’ai accompagné la naissance d’une petite fleur. Née à 37 semaines par induction, j’ai l’impression qu’on a tiré sur sa tige afin de la propulser dans notre monde. La chérie était bien en forme, mais bien chétive. J’ai assisté à la naissance de ce couple dont les références culturelles étaient bien loin du système québécois (maman guatémaltèque et papa français).

En juin, j’ai laissé mes élèves de ma classe voler de leurs propres ailes et nous avons souligné la fin de l’année scolaire avec toutes sortes d’activités. C’est avec beaucoup de gratitude que j’ai fermé ce chapitre, mais également avec des batteries bien déchargées.

Les premiers jours chauds de l’été ont été parsemés de temps de qualité en famille : match de baseball, mini-golf, marché d’Oka et traversier, cueillette de fraises, pourvoirie à Ste-Émélie-de-l’Énergie. Par contre, le premier jour de mes vacances en juillet, en allant offrir un doux baiser à ma fille dans son petit lit, mon genou a décidé de briser. Lire ici : désinsertion du ménisque externe et arthrose sévère. Ouch!

Le 23 août, j’ai été opérée après avoir passé cinq semaines en béquille. J’ai préparé cette période de convalescence comme on se prépare à la naissance d’un bébé. J’ai commandé des petits plats cuisinés, j’ai planifié faire garder les enfants lors de l’intervention et j’ai nommé mes besoins à mon partenaire. J’ai pu consommer une cuisine restauratrice comme des boissons chaudes réconfortantes à répétitions, du ghee, des soupes et des bouillons.

À la rentrée scolaire de septembre, le moral des troupes est à plat. Je sens que je suis un fardeau pour mes proches, mon conjoint met les bouchées doubles pour répondre aux besoins de la famille et même les enfants verbalisent qu’ils sont tannés. Ma promenade quotidienne en chaise roulante n’a plus l’attrait qu’elle avait! Les sorties sont restreintes pour tous.

En octobre, je revis! Je recommence à marcher tranquillement et à conduire. J’ai été le témoin privilégié de la naissance d’un petit coco en accompagnant un couple à l’hôpital Cité de la Santé. C’est la première fois que j’y remettais les pieds depuis la naissance de mon garçon en 2015. Un premier bébé tant attendu qui a mis plusieurs heures à venir au monde. J’y ai vu une maman forte et calme ainsi qu’un papa qui veille patiemment sur sa conjointe.

De plus, j’ai commencé ma formation de base avec Doula Pleine lune. C’était le morceau que je recherchais. J’y ai découvert une belle grande famille et surtout, j’ai défini ma posture de doula si chère à mes yeux. Cette sororité est précieuse et contribuera certainement à mes prochains accompagnements.

En décembre, j’ai aménagé mon horaire de manière à libérer au maximum la dernière semaine avant les fêtes. Quelle idée géniale quand j’ai été forcé de visiter les urgences les 23 et 24 décembre avec ma plus jeune pour une otite sévère.

En cuisinant pour la première fois le traditionnel ragoût de pattes de cochon de ma grand-mère, j’ai écouté le balado L’Académie de voyage Bruno Blanchet. Un passage m’a littéralement bouleversée et j’ai envie de vous le présenter. Pour écouter l’épisode entier, c’est ici.

L’auteur-compositeur-interprète Martin Léon se trouve au Laos chez un habitant d’un petit village. Il est en pleine conversation quand quelqu’un vient cogner à sa porte. Ils interrompent leur conversation quelques instants. Le visiteur et l’habitant chuchotent. Puis, l’habitant lui pointe son jardin à l’arrière de la cour. Martin questionne à savoir si l’inconnu est un cousin ou un ami. Il répond simplement que c’est un voisin qui avait besoin de soutien. Il raconte que dans sa culture, celui qui souffre, celui qui vit une situation difficile a l’habitude d’aller offrir son aide à son prochain. Ainsi, l’habitant qui le reçoit lui suggère d’aller dans le jardin pour travailler la terre. Tout bonnement sans questionner, sans essayer de trouver une solution.

C’est dans ce mindset que l’année tire à sa fin pour moi. Reste plus qu’à avertir mes voisins. Haha. Pourquoi ne pas voir la souffrance de l’un comme un moyen de connecter à l’autre? Je vous laisse avec cette réflexion.

À l’année prochaine


En janvier dernier, j’avais pigé la carte ESPACE comme mot-phare de 2022.

Tenir l’espace.

Tenir l’espace des femmes qui enfantent.

Tenir l’espace des familles.

Tenir l’espace de mon propre corps qui me parle.

Offrir de l’espace pour vivre mes émotions.

Saisir l’espace pour refaire mes batteries.

Prendre conscience de l’espace qui m’apaise.


À vous tous, merci pour votre confiance en 2022 :

Moment Sacré, Passion Maternité, Nourri-Source Laurentides, Maternité Ô Naturel, ExcelGym Zodiak, Marie-Pier Deschênes, Advaya Yoga, 4 célébrations.

Une confiance inébranlable en son corps

Transcription libre d’une entrevue avec Cynthia

Cynthia est cette femme inspirante qui a accepté de répondre à mes questions à l’aube de la naissance de son deuxième enfant. Elle est l’image de la mère forte qui a toujours eu une grande confiance en son corps, bref en ce que Mère Nature a prévu pour le jour de la naissance.

Elle et son conjoint n’étaient pas trop attirés par les cours prénataux de groupe. Cynthia a donc lu plusieurs ouvrages et visionné différentes capsules documentaires pour se préparer à ce moment riche en émotions. Il y a quelques années déjà, elle avait fait la lecture du livre Accoucher sans stress avec la méthode Bonapace. Ce dernier l’avait aidée à définir le type d’accouchement auquel elle aspirait, à mieux comprendre toute la science derrière ce moment et à acquérir quelques méthodes pour l’aider à gérer la douleur. Cette lecture a aussi amené Cynthia à pratiquer quotidiennement quelques exercices et postures de yoga pendant les dernières semaines avant la naissance. En vue de la naissance de son second, enfant, la relecture du livre était nécessaire.

État d’esprit

Du plus loin qu’elle se souvienne, Cynthia me rapporte ne pas avoir eu peur de donner naissance. Ainsi, elle n’a pas appréhendé son premier accouchement. Malgré l’excitation et l’anticipation, elle était plutôt sereine et confiante devant l’inconnu. Avec un suivi particulier pour la seconde portion de sa grossesse, ses appréhensions concernaient davantage la santé de son bébé. Les spécialistes parlaient de « macrosomie » et « polyhydramios ». En d’autres termes, on lui a expliqué qu’elle devrait mettre au monde un gros bébé qui évolue dans une grosse piscine de liquide amniotique. Tous les risques de complications lui ont été présentés comme la dystocie de l’épaule, la césarienne d’urgence, la possibilité que le placenta soit expulsé avant le bébé, etc. Ces scénarios combinés à ses lectures l’ont donc motivée plus que tout à gérer la douleur sans médication. Elle était bien informée des effets possibles de la médication, soit limiter l’efficacité des contractions, ralentir le travail et nuire au moment de la poussée. Son objectif était clair : mettre au monde son garçon de la manière la plus physiologique possible.

Une expérience unique

Elle a rapidement compris que chaque expérience était unique en fonction des convictions de chacun, mais aussi en fonction de certaines réalités que nous ne pouvons contrôler parfaitement. Ainsi, c’était important pour les parents d’avoir un objectif d’accouchement clair, mais aussi de garder en tête que derrière toutes ces convictions, une partie de l’expérience demeurerait imprévisible et hors de contrôle. C’est ça la beauté de la nature!

Soutien précieux du partenaire

Durant la grossesse, il peut y avoir des différences entre  la préparation réelle et la préparation souhaitée. Cynthia avait besoin d’acquérir quelques connaissances et de faire ses lectures pour se sécuriser et se donner confiance. Son partenaire, lui, avait une grande confiance de pouvoir s’adapter instinctivement à la situation.

Après la naissance, elle parle de son conjoint comme d’un partenaire de rêve qui l’a merveilleusement bien accompagnée dans la gestion de la douleur. Il a soutenu Cynthia en faisant les points d’acupression, en se souciant de son confort et en étant présent tout au long de la naissance. Ce qui reste à l’esprit de la mère est son grand sens de l’humour et son calme.

Soutien de l’équipe

Le personnel de l’hôpital a su prendre en considération les souhaits de naissance en évitant de proposer la péridurale et en faisant tout pour permettre à la mère de bouger malgré la lecture du moniteur et les fils reliés au soluté. Le matériel favorisant la gestion naturelle de la douleur comme le ballon d’exercice était disponible. Ainsi, malgré certaines contraintes dues à l’induction, le personnel de soutien a favorisé un beau climat, une petite bulle « zen » rendant son histoire d’accouchement des plus positives à ses yeux.

Avec du recul, cette expérience a été vécue comme un accomplissement personnel ainsi qu’un accomplissement de couple. Cynthia me rapporte que les sensations sont sans doute semblables à celle d’un marathonien qui réussit son tout premier marathon : un heureux mélange de force, de fierté et de puissance!

La douce rencontre

Cynthia se rappelle de cette douce sensation lorsqu’on a posé son garçon sur sa poitrine, un doux souvenir un peu lointain une fois la décharge d’adrénaline bien dissipée. Elle a tout de suite été touchée par les yeux émus de son conjoint et par la puissance de cet événement, une vraie manifestation de la nature.

Tisser des liens pour la vie

Bien que l’apprentissage de la vie à trois se fait avec le temps, l’amour et la reconnaissance pour ce petit être vivant furent pratiquement instantanés pour ces parents et n’ont fait que s’accroitre avec les heures, les jours, les mois et les années.

Bref, Cynthia se considère parmi les chanceuses qui gardent un souvenir extrêmement positif de son expérience de naissance. À quelques heures de donner naissance à son second garçon, son principal défi sera d’accepter que cette seconde expérience d’accouchement ne sera pas une réplique de la première, mais bien un moment unique en son genre.

Merci à la généreuse Cynthia de m’avoir donné la permission de publier son histoire. Les enseignements de la méthode Bonapace sont des outils qui permettent de vivre une naissance en confiance, réduire les sensations fortes, comprendre les mécanismes de gestion de la douleur, réduire les interventions obstétricales et encourager la participation du partenaire.