C’était mille fois plus difficile que ce que j’avais imaginé

Voici un récit chargé d’émotions qui relate l’histoire de Geneviève qui a donné naissance à un petit garçon en avril 2022. Cette maman a été propulsée dans le grand monde de la maternité. Elle a marché son chemin, enjambé les embûches, retroussé ses manches, nommé ses besoins et ses défis. Résilience, force, ombre et lumière.

Merci Geneviève de nous offrir des parcelles de ton 4e trimestre.


Je me suis lancée dans la maternité avec une réelle insouciance. Je m’y suis préparée, bien sûr, mais sans plus.

J’ai arrêté de travailler 12 jours avant ma date prévue d’accouchement (DPA), en pleine forme et heureuse d’avoir enfin du temps pour profiter des derniers jours de ma bedaine. Le lendemain matin, après un copieux déjeuner, des maux de ventre. On lance à la blague que ce sont des contractions.

Une heure plus tard, je capote et je ne veux plus de ce bébé tellement j’ai mal. Je blasphème. Je longe les murs. Papa court partout. Nous n’étions pas prêts.

Aucune période de latence. De zéro à mille. Submergée, surprise, apeurée. Je demande la péridurale, car c’est la seule chose que je connaisse.

Alors tout devient doux. Je ne sens plus rien. C’est long. C’est long.

Puis, on pousse. On pousse. Je me sens tellement inadéquate. Je pousse du nez, comme on dit. Bébé avance à pas de tortue. Je suis tannée. Deux heures et demie de poussée.

1h25. Je n’y crois pas. Je vis comme dans une bulle. On dépose un bébé sur moi. C’est le mien? Je suis heureuse, c’est clair, mais j’ai l’impression de n’avoir aucune émotion en banque.

Au jour 3, bébé est hospitalisé à cause de la jaunisse. Papa n’a pas le droit de rester avec nous. Je suis exténuée, un peu stressée, même si je sais que ce n’est pas grave et la seule vue de mon bébé qui se tortille sous une lampe bleue me fait pleurer.

Je suis complètement seule dans une grande chambre bleue et verte. Au bout du couloir. C’est la nuit. J’installe le petit lit de camp et j’essaie de dormir. Mais les infirmières vont et viennent et bébé pleure. Pleure beaucoup.

Il est 2 heures du matin et je pleure à chaudes larmes. On me dit que je dois allaiter, mais vite! Pas plus de 5 minutes, car bébé doit retourner sous la lampe. Je n’y arrive juste pas. Bébé n’est pas capable de prendre le sein. Je tire mon lait. Il n’y a presque rien. Rien ne va. Je pleure de plus en plus. Je suis complètement seule dans cette chambre bleue et verte.

Je sors dans le couloir malgré l’interdiction. Je cherche de l’aide. Médicale, oui, mais surtout humaine. On me donne une suce, deux petites bouteilles d’Enfamil et un DAL.

La nuit finit par finir. Je suis vidée, mais j’écoute le plus attentivement possible tous les médecins, internes et résidents qui passent. Papa est à la maison et a fait la grasse matinée. Je brûle de jalousie. Ce vague sentiment d’injustice perdure parfois jusqu’à ce jour, 7 mois plus tard.

Cette première épreuve, je l’ai refoulée parce que c’est ce que je fais tout le temps. J’ai encaissé la fatigue. Puis, les difficultés d’allaitement se sont intensifiées. L’interminable jour de la marmotte du tire-allaitement. Les douleurs au sein. Le stress de la pesée. Deuxième débordement de larmes. Je suis inconsolable. Papa appelle partout pour demander de l’aide pendant que je pleure parce que j’ai envie de mourir en tentant de nourrir mon fils.

J’ai appréhendé chaque tétée pendant plus de deux mois. Tout le monde me disait d’arrêter, mais pour une raison inconnue, je ne voulais pas. Je serrais les dents.

Puis, je me suis rendue compte aussi que j’avais vécu un deuil. Le deuil de ma bedaine. J’ai adoré mon 3e trimestre de grossesse. De plus, je me sentais belle avec ma bedaine. Lorsque bébé est arrivé, il a tout chamboulé.

Je pleurais souvent et je me sentais « faible ». Les pleurs de bébé me rendaient dingue. Par chance, il n’a jamais été un bébé pleureur. Je me sentais tellement dépourvue lorsqu’il pleurait que je fondais en larmes aussi. En silence, dans le noir, tout en bounçant mon bébé.

Je pleurais aussi en cachette. Sous la douche était mon endroit préféré. Je me souviens même avoir averti papa de ne pas s’en faire s’il entendait des sons étranges. De ne pas intervenir.

Je pleurais car la maternité me rentrait dedans. C’était mille fois plus difficile que ce que j’avais imaginé.

Geneviève Dubeau